J’ai deux types de fantasmes. D’une part ceux qui m’excitent au point d’être parfois insistant et de rendre difficile la concentration, et qui disparaissent une fois l’orgasme atteint. Je les appelle ici mes fantasmes « standards ». Et d’autre part, ceux qui m’excitent de manière impérieuse, et qui ne disparaissent pas une fois l’orgasme atteint. Ce sont les fantasmes autogynéphiles, c’est-à-dire ceux dans lesquels je m’imagine être une femme qui prend son pied en s’envoyant en l’air. Ils ne sont pas de même nature. Les premiers, je les classe dans la catégorie des fantasmes « sains », car ils ne me posent pas de problème particulier. Les seconds perturbent ma vie profondément. Mais les deux font indéniablement partie de ma libido.

Ce que je ressens, quand je regarde à l’intérieur de moi.
En effet, les fantasmes autogynéphiles ne partent pas avec l’orgasme : 5 minutes après, ils sont de retours, et veulent être rassasiés à nouveau. Et 5 minutes encore après, c’est la même chose. En d’autres termes, ces fantasmes sont obsessionnels, et entraînent une masturbation compulsive.
Il semble donc que l’économie psychique mise en œuvre par ces deux types de fantasme soit différente. Mes fantasmes « standards », dans lesquels je fais l’amour à une femme que je trouve désirable, sont très comparables à ceux que peuvent me décrire mes amis masculins. Ils vont et viennent au cours de la journée et, même s’ils sont parfois insistants, ils s’intègrent relativement harmonieusement à mon quotidien. Ils en fournissent un piquant érotique. Les seconds, les fantasmes autogynéphiles, viennent capter mon attention d’une manière plus primitive, tout se passe comme s’ils sollicitaient une partie plus ancienne de mon cerveau. Et le problème, c’est que si je réponds à cette sollicitation, si je passe à l’acte, alors je déclenche un cycle de compulsions.
L’autogynéphilie évoque une addiction : l’orgasme ne clôture par le cycle, il le ré-enclenche. Il s’agit d’une soif qui augmente à mesure que je tente de l’étancher.
Ce n’est pas qu’une image. J’ai passé des week-ends entiers à me masturber de la sorte. Ce qui n’arrive jamais lorsque je me masturbe en suivant un fantasme standard, et cela illustre bien, je pense, la différence de nature entre les deux.
Autre élément qui évoque l’addiction : si je me réserve un jour, en fin de semaine, pour m’adonner à une séance masturbatoire autogynéphile, je vais passer toute la semaine obnubilé par avance par cette séance. La planification de la séance a pour effet la mise en coupe réglée du reste de la semaine. C’est à dire que toutes les activités que je peux mener d’ici là, qu’elles soient professionnelles ou non, ne sont alors que des pis-aller, que des manières de tuer le temps, d’ici l’instant T. Mes pensées, mes énergies, me font l’effet d’être mises en gravitation autour du champs de force que génère la séance autogynéphile. Pour le dire en cinq mots : je ne suis plus libre.

Mes neurones quand je me projette une petite séance de pornographie autogynéphile
C’est ça l’immense différence entre ces deux types de fantasmes. Le premier me paraît prendre élan à partir de la vie, il s’agit d’une force vitale, le second me semble une énergie morbide, en ce sens qu’il embrigade et subjugue toutes les forces qui composent ma vie quotidienne.
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