Est-il sain de se travestir ?

Aujourd’hui, je voudrais aborder un sujet un peu polémique. Tout le monde ne sera pas d’accord avec moi, mais ce n’est pas grave.

L’idée dominante de nos jours, est que chacun doit être libre de sa sexualité, tant qu’elle ne fait de mal à personne. Bien sûr, je suis d’accord : il serait pervers et violent de vouloir imposer une sexualité, et chacun doit pouvoir vivre comme il l’entend.

Pourtant, l’idée que vivre ses fantasmes est 100% sain dès lors qu’ils ne font de mal à personne, masque une réalité plus contrastée : il existe des fantasmes qui font du mal à soi-même.

C’est un sujet difficile à explorer, et moi-même, je n’ai pas fait le tour de l’idée que je vais essayer d’exposer dans ce billet. C’est ardu, parce que partir à la recherche de l’origine des fantasmes, c’est… comment dire… Follow the white rabbit.



Je crois que les fantasmes ont un endroit et un envers, et qu’il est important de parler de leur envers aussi.
On pourrait dire que l’endroit du fantasme, c’est la description que vous en donneriez.
L’envers, c’est la manière dont votre »moi profond » s’y relie.
Et il se trouve que dans certains cas l’endroit et l’envers ne se connectent pas très bien. C’est mon cas.

Je souffre d’autogynéphilie.
Ce nom bizarre signifie que je suis très excité à l’idée de me transformer en femme qui jouit. Je précise que je suis moi-même un homme, et que les hommes ne m’attirent pas. Je ne me sens pas homosexuel le moins du monde.
C’est juste que le plaisir féminin m’apparaît tellement immense que je l’envie. Je le jalouse.
Et pour avoir une chance de l’atteindre, je m’imagine en femme. C’est mon fantasme.
Quand je me laisse aller à ce fantasme, j’aime à porter des attributs féminins, tels que maillots de bain, paire de faux seins, pour mieux incarner la femme. Bref, je me travestis.
Je vais sur des sites porno, et je me goberge pendant des heures, en imaginant que, comment dire… Et bien que je suis une petite salope, voilà tout.
Ça, c’est l’endroit.

Voilà une manière convenable de représenter l’excitation qui s’empare de moi à l’idée de devenir femme

Croyez-vous que cela soit facile à vivre quand on est un homme ?
Pas pour moi en tous cas. De mes séances de porno autogynéphile, je retire un sentiment de profond avilissement.
Je me sens vide, honteux, et souillé.
Et bien ça, c’est l’envers.
Ces deux faces de moi-même, le masculin que je suis et le féminin « porn » qui m’habite, sont en conflit l’un avec l’autre.

Il existe deux manières d’interpréter ce conflit :

  • La première, c’est que le sentiment d’avilissement que j’éprouve avec le porno et le travestissement sont le signe que ces pratiques ne sont pas bonnes pour moi.
    Elles se greffent à ma sexualité comme un parasite se greffe sur l’organisme hôte, et la dévitalise.
  • Et la seconde, c’est que le porno et le travestissement ne sont pas le vrai problème, mais plutôt l’arbre qui cache la forêt. Cela me sert juste à exprimer une part de moi, que je n’accepte pas.
    Puisque cette part est là, le mieux serait donc de l’assumer.
    Donc de l’exprimer en me laissant aller à ce fantasme, quitte à me travestir autant que je le souhaite. En acceptant cette part de moi, l’angoisse qu’elle génère diminuera. Et on peut parier que j’aurai de moins en moins envie d’aller sur du porno, puisque ce n’était pas le vrai problème. Je me sentirai alors libéré.

Après des années et des années de lutte contre l’addiction au porno, et sur l’invitation de différents psys, j’ai tenté cette dernière approche. Je vous livre ici le résultat de mon expérience.

J’ai d’abord ressenti un vrai soulagement. Une fois intégré l’idée que je ne faisais rien de mal, eh bien, je ne culpabilisais plus !
Je me travestissais avec une jupe fait maison, et je me masturbais frénétiquement en m’imaginant être une femme de rêve. Il m’ est arrivé de « tripper » ainsi sans support pornogragphique.
Mais tout de même, la plupart du temps, j’avais tendance à remettre un petit coup de porno pour relancer l’excitation.
Des fois, je n’allais pas jusqu’à l’orgasme, je remballais mes affaires et je terminais sur un film standard, tranquille le chat.
Ma productivité au travail, et dans la vie en général, était bonne. C’était ok.
Et effectivement, l’emprise du porno a semblé diminuer.
J’en regardais toujours, mais moins.
Je me disais que le porno finirait par disparaître complètement, et me laisserait finalement en paix avec mon fantasme autogynéphile qui pourrait s’exprimer librement, à son rythme, respectueux.

Mais ce n’est pas ça qui s’est produit.
Semaine après semaine, je me suis rendu compte que je commençais à perdre le goût des choses simples de la vie : voir des potes, lire ou faire de la musique… Toutes ces choses commençaient à me sembler moins intéressantes.
J’avais de plus en plus le sentiment que vivre ma vie sans la passer à chasser l’orgasme parfait n’avait pas tant de sens que cela après tout.


En définitive, ce bon vieux porno avec une paire de faux seins, c’était quand même ce qu’il y avait de mieux, alors, autant y retourner franco.
Et puisque je ne culpabilisais plus, autant y aller à fond les ballons non ?
Et c’est donc ce que j’ai fait.

Que croyez-vous qu’il est arrivé ?
Eh bien, j’ai perdu la joie.
Le goût des choses simples a tout simplement continuer de foutre le camp toujours plus loin.
Alors je me suis mis à aller sur du porno encore plus, pour oublier ce sentiment de noirceur qui était revenu.
C’était le même sentiment qu’avant.
J’avais beau avoir « accepté ma sexualité », ce foutu sentiment de noirceur et d’avilissement était revenu, et il ne disait qu’une chose : la vie n’a pas de sens, alors autant bouffer du porno.
Je morflais à nouveau.

J’en suis revenu. Me voilà à nouveau « sobre », et tout va mieux.
J’ai à nouveau la pêche, j’ai à nouveau l’envie. Je reprends plaisir aux choses simples, et je me sens candidat au bonheur de nouveau.


Mais alors, si on y réfléchit, à quoi était dû le soulagement initial ?
A quoi était due cette bouffée d’air que j’ai effectivement ressentie pendant quelques semaines, lorsque j’ai « accepté » ?
Eh bien, à mon humble avis, cela était dû à un effet de nouveauté.
Se lancer dans une nouvelle activité, adopter une nouvelle attitude dans la vie, génère toujours un pic de dopamine, qui comme son nom l’indique, « dope ».
Mais cet effet est de courte durée. Il est suivi par l’effet de réel. Qui comme son nom l’indique, renvoie au réel.
Et le réel du travestissement et de l’autogynéphilie , chez moi, est assez noir, c’est comme ça.

Plus je donne à l’autogynéphilie, plus ma masculinité s’étiole, plus je souffre.
Et l’inverse est vrai aussi : plus je me réfrène de l’autogynéphilie, mieux je me sens.
D’autres fantasmes, dans lequel je suis l’homme, prennent le dessus, et je me sens en cohérence avec ces fantasmes. Ils me font me sentir bien.
Et là, bizarrement, l’envie de porno est beaucoup moins forte. Elle revient toujours, mais elle est bien moins obsédante, moins « forçante », si vous voyez ce que je veux dire.
Et je me sens 1000 fois mieux.

Vous comprenez que du coup, je ne suis pas tellement d’accord avec l’idée que tout est bon dans le cochon.

J’ai vu sur les forums quantités d’hommes qui affirment vivre leur travestissement de manière libre, assumée, heureuse. Grand bien leur fasse.
Je dois dire pourtant que nombre de ces témoignages (mais pas tous) m’ont laissé un peu sceptiques.
Ce n’est que mon interprétation, mais j’avais l’impression que leurs auteurs défendaient leur pratique de travestissement, tout simplement parce que celle-ci s’était imposée à eux, par la force.
J’avais même l’impression que pour certains de ces témoignages (mais pas tous) il y avait quelque chose du syndrome de Stockholm.
J’ai été sur leurs blogs, pour voir. Et comment dire… Ça ne m’a pas donné envie de suivre la même voie.

Je crois que certains se travestissent parce que cela correspond réellement à une part profonde d’eux. N’eût été le poids que la société fait peser sur eux, ils s’en porteraient très bien.
Pour d’autres, comme moi, la pulsion de se travestir est nourrie par une pure pulsion sexuelle. Elle disparaît une fois l’orgasme passé.
Ne reste que le sentiment d’avoir été leurré par l’excitation. D’être tombé dans un piège.

Il faut pas mal de discernement pour distinguer entre les deux.

Les périodes de ma vie où je me suis réfréné pendant longtemps du porno et des fantasmes autogynéphiles, ont été les périodes où j’ai le plus avancé : changement d’emploi, voyages, achat immobilier, composition de plusieurs morceaux et enregistrement d’un album…
Mais le plus important, c’était la lumière.
Parce qu’autant je deviens sombre à l’intérieur quand je me connecte à mon moi autogynéphile et pornophage, autant l’optimisme revient quand je m’en éloigne. C’est comme si mon envers s’ouvrait plus largement au monde.

Alors est-il sain de se travestir ?
Une bonne part de la société, la plus moderne en tous cas, répond : « si ça vous fait plaisir, foncez ! »

Pour ma part, je suis plus nuancé.
Je dirais que le plaisir n’est pas nécessairement la même chose que le bonheur.
Si les deux coïncident, foncez.
Si ce n’est pas le cas, privilégiez le second.

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