Dépendance sexuelle et dépendance affective

Il est d’usage de dire que toute addiction est une maladie du lien.

On se drogue, on boit, on joue, on consomme du porno, pour oublier une douleur affective. Pour « soigner » une blessure.

Le comportement addictif, ou le produit addictif, agit comme un anti-douleur, permettant de soulager la souffrance liée à cette blessure.Et cette blessure s’exprime de bien des manières.

Dans mon cas : angoisse, timidité, difficulté à « être moi-même » en société. Et du coup : dépréciation de soi, fuite de la société, isolement, et donc ennui.

Alors, pour remédier à l’ennui, pour oublier le sentiment d’être un raté, je peux consommer du porno, en me disant que ça ne sera pas pire.

C’est pour oublier un manque fondamental et affectif qu’on se livre à des comportements addictifs.

C’est sûrement pour cela que la plupart des psychothérapeutes se concentrent sur les liens et l’histoire affective, quand ils tentent d’aider les gens addicts. Ils les font travailler sur tout ce qui s’est noué dans l’enfance et ne s’est pas dénoué. Revers de la médaille : ils sous-estiment l’importance de l’addiction en tant que telle.

J’ai déjà écrit qu’il s’agit là d’une erreur. Car Il faudrait d’abord nettoyer la zone infectée, faire place nette, libérer le patient de ses chaînes, avant de lui rendre ses ailes en s’attaquant au nœud du problème, qui est sûrement, effectivement, la dépendance affective. Les psys mettent la charrue avant les bœufs, quasiment systématiquement.

Vouloir se libérer de la dépendance affective avant de se libérer du porno, c’est un peu ça.

De plus, pour un addict, il n’est pas aisé de mettre le doigt sur ces liens entre dépendance sexuelle et dépendance affectives, car ils sont très ténus.

A moi, ils ne m’apparaissent pas de manière évidente. Je suis capable de les voir, de les décrire (c’est ce que je viens de faire), mais c’est une démarche intellectuelle.

A vrai dire, je ne les sens pas, à l’intérieur de moi.

Ça ne veut pas dire qu’ils n’existent pas.

En fait, j’en ressens uniquement les symptômes secondaires. J’entends l’écho.

Ceux qui suivent mon blog savent que je suis autogynéphile.

Ce terme jargonneux fait référence à une source d’excitation sexuelle assez rare, mais très prenante, qui touche une petite fraction des hommes. Cette excitation surgit à l’idée d’être la femme, durant l’acte sexuel. Attention : ce n’est pas de l’homosexualité, puisque l’homme autogynéphile n’est pas attiré par les hommes, et ne ressent pas d’excitation sexuelle à la vue d’un beau corps d’homme. Il s’agit d’un fantasme plus proche du transexualisme, sans être du transexualisme toutefois.

Or, lorsque je me livre à mes comportements autogynéphiles (avec surdose massive de porno), je m’imagine être une femme, certes, mais pas n’importe laquelle. La seule chose qui m’excite, c’est d’incarner l’une des femmes qui m’ont rejeté !

Il y a eu deux femmes dont j’ai été éperdument amoureux dans ma vie. Appelons-les Gwendoline et Maya (ce n’est pas leur vrai prénom).

J’en ai été follement amoureux, mais, elles, elles voulaient qu’on soit simplement amis. J’étais ce genre de mecs que les filles aiment bien, mais qu’elles ne trouvent pas séduisant.

J’en ai été profondément blessé. Meurtri dans mon cœur. Abîmé dans mon amour-propre aussi.

Je me disais à l’époque (j’avais autour de 20 ans) :  comment se fait-il qu’on puisse avoir des sentiments si sincères, si authentiques, pour une fille, et que celle-ci, en face, oppose un refus poli ? Comment peut-il exister des décalages aussi grands, aussi injustes, sur cette putain de Terre ?

Pourquoi la vie est-elle si dure avec moi ?

Rien que de très commun : il est naturel, autour de 20 ans, de souffrir énormément par amour. On s’en remet.

Mais moi, je ne m’en suis pas remis.

Sans doute parce que ces rejets renvoyaient à des rejets enfantins, liés, je suppose, à ma mère (qui était très sévère quand j’étais petit, très peu affectueuse).

Eh bien, dans mes séances de porno autogynéphiles, rien ne m’excite autant que d’imaginer que je suis Gwendoline, ou Maya, et que je m’envoie en l’air comme une petite salope avec tous les mecs que je rencontre – sauf avec moi, bien entendu. Et je crois bien que ce sentiment de rejet, ce sentiment si douloureux, reste à l’arrière-plan de cette fantasmatique, et participe de l’excitation sexuelle, de manière un peu perverse.

Dit autrement : me sentir rejeté par les femmes attise mes fantasmes autogynéphiles, et donc la force de l’excitation sexuelle. Et donc la dépendance à la pornographie, puisqu’elle est toujours présente lors de mon comportement autogynéphile.

Parenthèse : je ne dis pas, et je ne crois pas, que l’autogynéphilie trouve sa source dans les rejets que l’homme a subi, de la part des femmes. J’abritais déjà ce fantasme avant de vivre ces épreuves amoureuses. Mais indubitablement, ces rejets ont largement augmenté la force de cette fantasmatique, jusqu’à en faire une sorte de trou noir.

Un peu comme ces objets stellaires qui attirent planètes, étoiles et même lumière à l’intérieur d’eux et ne laissent plus rien en ressortir, jamais.

Pornhub attraction

L’autogynéphilie / pornographie constitue une sorte de trou noir libidinal, qui pourrait aisément m’engloutir si je m’y laisse trop aller.

Je referme la parenthèse.

Donc, voilà : est-ce un hasard si, quand je consomme du porno, je m’imagine être une de ces femmes qui m’ont rejeté ? Pourquoi, quand je regarde une actrice X « faire son travail », est-ce que je projette le visage de ces femmes, Gwendoline ou Maya, que j’ai aimées,  sur le corps de ces actrices ?

Eh bien le voilà, le lien avec la dépendance affective.

A l’heure actuelle, c’est tout ce que j’en vois. Mais je crois que chaque sex ou porn addict devrait réfléchir à ces questions :

  • Quelle est la dimension affective occultée par la consommation de sexe ?
  • En quoi l’hyperactivé sexuelle, ou la pornographie, qui se prétendent affranchies de toute affectivité, sont-elles des façades, qui cachent au contraire un immense gouffre affectivement vide ? Ou trop plein, ce qui revient au même.

Attention : il serait une très mauvaise idée de se dire qu’on va d’abord élucider ces liens, avant de se sevrer de la pornographie. Je l’ai déjà dit, le sevrage doit venir en premier. Sans quoi aucun travail sur soi n’est possible.

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